La Mélancolie du monde sauvage
L’art comme ouverture à soi et au monde.
L’art comme moyen de résilience.
L’art comme outil d’adaptation à l’évolution d’un monde qui devient différent, mais pas meilleur.
L’art comme une pâte que Sabrina modèle chaque jour, jusqu’à l’acceptation de soi et des empreintes qui lui survivront.
La mélancolie du monde sauvage
J'ai commencé l'écriture de ce roman alors que, nourrie de lectures sur l'effondrement, l'érosion de la biodiversité, le réchauffement climatique, je me sentais écrasée par le constat de l'impact de l'humain sur le vivant et mon sentiment d'impuissance face à cette situation. J'avais beau tenter au quotidien de minimiser mon impact sur la planète et de m'engager en parallèle dans des actions collectives, tout cela me semblait peser bien peu... J'avais besoin de trouver des sources d'inspiration pour d'autres façons de vivre en lien avec la terre.
Mon hamac-moustiquaire dans le sac à dos, je suis donc partie sur les chemins des Alpes du Sud pour découvrir le Refuge d'art d'Andy Goldsworthy. Les vertus de la solitude et de la marche, la découverte de ces havres de beauté au milieu d'une nature préservée m'ont aidée à retrouver l'élan d'écrire, au-delà du sentiment de l'inanité (de l'inutilité ?) de l'art face à la crise écologique.
Le cheminement s'est poursuivi auprès de femmes engagées dans des modes de vie cherchant à avoir un impact positif sur leur environnement - parmi lesquelles les constructrices de kerterres, Evelyne Adam et toutes celles qui l'entourent, et qui m'ont permis de mettre la main à la pâte (ou plutôt dans la chaux !)... Je retrouve dans leur façon d'habiter la Terre la notion d'"aggradation" défendue par le mouvement de la désobéissance fertile, un positionnement dans lequel l'humain participe à fertiliser les écosystèmes plutôt que de les exploiter.
Ce tour de piste serait incomplet sans l'évocation des artistes qui ont croisé mon chemin et qui étaient engagés dans la même recherche de cohérence entre le geste artistique et le lien au vivant, Annelise Dufourneaud et ses broderies, Clément Darrasse et ses trichromies, Gary et ses bronzes dissimulés dans les jardins des Alpes du Sud, Lilas Quétard et sa structure en bois mille fois remodelée...
La mélancolie du monde sauvage est un roman né de ces rencontres et de la recherche d'une autre manière d'être au monde, où l'humain tente d'avoir un impact positif sur la Terre et les autres êtres vivants.
Il va de soi que tous les personnages du roman sont des êtres de fiction et que leur vie de papier ne saurait être assimilée à celle, bien plus riche, complexe, et surtout très différente, de leurs inspirateurs/inspiratrices !
Refuge d'art Vieil Esclangon (Goldsworthy)
Campanule raiponce rencontrée au bord du chemin
Le Bès - argile et pierres colorées
La perspective du vélodrome
Racines
d'Annelise Dufourneaud
Avant l'aube... les Alpes du Sud
Construction de kerterre : préparation de mèches de chanvre
La Kerterre d'Eglantine et Jérôme
Si nos déchets devenaient visibles...
En France, chaque habitant produit plus de 350kg de déchets ménagers par an... et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Si on inclut les déchets du BTP, de l'industrie, de l'agriculture, on atteint 13,8 tonnes de déchets produits par an et par habitant... Mais nous sommes passés maîtres dans l'art de ne pas voir ces déchets. Nous nous félicitons de la propreté de nos villes alors que notre activité quotidienne repose sur un gigantesque gâchis de ressources.
Le pays où les arbres n'ont pas d'ombre part d'un postulat : si au lieu de cacher ces déchets que nous ne voulons pas voir, on imaginait un monde dans lequel ils deviennent visibles, monstrueusement visibles, au point de déterminer le fonctionnement de la société, de régir entièrement l'existence des hommes et femmes qui la composent, quelles seraient alors les règles de ce monde, son rapport à l'humain, à la nature, à la liberté, à l'autre ?
Carte dessinée par Bénédicte Florin, géographe, spécialiste des déchets, à partir du Pays où les arbres n'ont pas d'ombre.
Alors que je préparais ce livre, nous nous sommes rendues à la casse de Saint-Pierre des Corps avec l'artiste Annelise Dufourneaud. C'était un paysage étrange, dérangeant, où les composants d'objets industriels familiers prenaient en étant compressés, entassés, dépecés l'apparence de constructions monstrueuses et effrayantes par leur gigantisme. Mais il y avait aussi parfois une beauté étrange dans ces formes, ces couleurs, ces entassements. J'en suis repartie avec une impression mêlée, entre effroi face à ces quantités de déchets et drôle de mélancolie... peut-être ces objets mis au rebut nous rappellent-ils notre propre fugacité ? C'est lors de cette visite qu'a surgi l'idée de l'épisode où Marie (l'adolescente du roman) aperçoit d'immenses tas de cheveux luisants... dont elle se rend compte ensuite qu'il s'agit de tas de fils de cuivre. Cette incertitude entre une matière organique et une matière inerte m'a longtemps hantée.
Ci-dessous les photographies si évocatrices qu'a réussi à en faire Annelise :
Arithmétique des Dieux
Arithmétique des dieux, c'est un roman né d'une conversation avec ma grand-mère, qui m'a confié, un jour d'été 2011, l'histoire de son amie déportée en Sibérie en 1940, lors de l'occupation de l'Estonie par l'armée soviétique. C'est l'histoire de leur correspondance, commencée en 1945, mais c'est aussi l'histoire d'une multitude de femmes et d'enfants ayant connu un sort similaire dans l'Estonie des années 40.
Livre de correspondances, livre introspectif, ce roman est également une réflexion sur ce qui fait notre humanité dans les situations les plus inhumaines, et une interrogation sur la façon dont le poids de l'Histoire se transmet de génération en génération à travers les silences plus encore que les discours.